La Musique du roi de retour à Versailles

Troupe d’élite connue dans l’Europe entière, la Musique du roi reprend ses activités versaillaises à compter de l’été 1722. Après sept années de Régence parisienne, quels sont les changements lors de la reprise de la vie de la cour à Versailles ? Explications avec Thomas Leconte, l’un des conseillers scientifiques de l’Expodcast, spécialiste du cérémonial royal.
Quel est la situation de la Musique du roi à la fin du règne de Louis XIV ?
Au début du XVIIIe siècle, les institutions musicales versaillaises sont au firmament. En 1715, la Musique du roi compte environ 200 chanteurs et instrumentistes, répartis entre la Chapelle, la Chambre et l’Écurie. Une troupe d’excellence et un savoir-faire connus dans l’Europe entière ! Ces trois corps, et tout particulièrement les deux premiers, les plus importants hiérarchiquement, se partagent l’organisation de la vie musicale quotidienne, des spectacles et des cérémonies extraordinaires ou protocolaires, sous la supervision des Menus-Plaisirs, chargés de la logistique et de l’administration de toute la vie de la cour.
Quel est l’état de la Musique du roi en 1722, année du retour de Louis XV à Versailles ?
Durant les sept années passées aux Tuileries, le cérémonial a été allégé du fait, notamment, de la minorité du souverain. Les moments importants du protocole sont néanmoins maintenus, sous la direction du gouverneur du roi, le maréchal-duc de Villeroy, comme la messe. Durant la minorité de Louis XV, c’est-à-dire jusqu’à ses treize ans (il sera déclaré majeur le 15 février 1723), celle-ci, nous dit le marquis de Dangeau, n’est pas chantée tous les jours en musique comme elle l’était sous Louis XIV, mais seulement le dimanche. Du fait de l’allègement du service, la Musique de la Chapelle et la Musique de la Chambre, les effectifs sont un peu dégraissés, et en 1716, on réunit les deux “Musiques”. Les fameux 24 Violons restant les seuls musiciens explicitement appelés “de la Chambre” – ils ont d’ailleurs repris toutes leurs prérogatives, après la disparition, à la mort de Louis XIV, de l’autre orchestre de la cour, les Petits Violons.
Quelles sont les conséquences du retour à Versailles sur la Musique du roi ?
Tout d’abord, il faut bien se rendre compte que c’est un retour difficile, dans un palais endormi depuis sept ans. La vie des courtisans s’est organisée à Paris, hors de ce « sanctuaire » créé par Louis XIV. Au retour à Versailles, le duc de Villeroy, pour un temps encore gouverneur du jeune roi, veille à ce que rien ne soit changé du lourd cérémonial de Louis XIV. Les moments et les lieux de musique au château connaissent une permanence, mais aussi certaines évolutions. La chapelle, érigée en 1710, accueille à nouveau la messe du roi, moment essentiel de la journée publique. Les musiciens se produisent pendant les repas (dîners ou soupers) « au Grand Couvert » soit au dîner (le midi), soit au souper (vers 10h du soir), qui reviennent à leur lieu premier, dans l’appartement de la Reine. On donne la comédie deux fois par semaine, comme au temps de Louis XIV, dans la Salle de la comédie, installée en 1682 dans l’aile des Princes. Le retour à Versailles marque aussi la reprise des soirées dîtes d’appartement, instituées par Louis XIV en 1682, trois fois par semaine. Louis XV s’y montre, prend soin de sélectionner les invités, mais s’y amuse peu… Bientôt, à partir de 1725, ces soirées cèderont la place aux très courus Concerts de la reine, que la nouvelle souveraine, Marie Leszczyńska, donnera dans le salon de la Paix.