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Première partie
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Deuxième partie
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Troisième partie
Première partie
La frénésie du théâtre
"Le soir"
6 février 1641 : présentation du ballet « La Prospérité des armes de la France » dans la nouvelle salle du Palais Cardinal, avec le jeune Louis XIV, Anne d'Autriche et le Cardinal de Richelieu. Elle deviendra la salle du Palais-Royal
Paris, ville de théâtre
Le théâtre est devenu l’une des activités favorites des Parisiens, « le délice du peuple et le plaisir des grands », comme l’écrit une gazette de l’époque. Les bonnes gens se passent le mot et se pressent devant la porte des théâtres… Il faut dire que les comédiens se sont professionnalisés et multipliés dans la capitale. Au début des années 1660, il y a au moins six troupes qui ont pignon sur rue. Trois grandes salles se livrent une concurrence féroce : celle du Palais-Royal, l’Hôtel de Bourgogne et le théâtre du Marais.
La troupe de l'Hôtel de Bourgogne
Au centre, le célèbre Gros-Guillaume. Gravure d’Abraham Bosse (1602-1676)
Les Parisiens qui ont les moyens se précipitent aux représentations. Le prix des billets, qui varie du simple au double en fonction de la salle et de l’emplacement, est trop élevé pour le menu peuple. Les places les moins chères pour assister, debout dans le parterre, à une pièce de Molière au Palais-royal, coûtent quinze sous : une somme qui est l’équivalent d’un jour de gages pour la plupart des travailleurs manuels. Le parterre de la salle du Palais-Royal peut accueillir jusqu'à 500 personnes. Loges et galeries sont occupées par les grands bourgeois et l’aristocratie : pour une place tranquille en hauteur, comptez trois à dix livres. Une livre équivaut à environ onze euros aujourd'hui, ce qui signifie que le public de Molière n'est donc pas un public populaire, mais relativement aisé !
Guillaume Desgilberts, dit Montdory
1594-1653
"Le Cid" de Corneille
Création à Paris, le 7 janvier 1637
Les yeux et les oreilles
Les places les plus chères ne sont pas celles où l’on voit le mieux, mais celles qui permettent d’entendre le mieux possible. La troupe du Théâtre du Marais créé Le Cid de Corneille au mois de janvier 1637. Le succès est tel que les comédiens commencent à louer des sièges placés de part et d’autre de la scène ! Une pratique qui s’étendra à d’autres théâtres de la capitale. Quelques riches privilégiés peuvent ainsi profiter, pour un demi louis d’or, des chaises installées à même la scène. Une étonnante cohabitation... qui donne parfois lieu à quelques désordres !
Les petites mains du théâtre
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Trésorier
Il gère les comptes de la troupe, calcule les recettes et les pensions versées par les éventuels mécènes.
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Ouvreur
Aussi appelé contrôleur des billets ou huissier, il est chargé de veiller à ce que tout spectateur qui entre dans la salle ait payé son billet.
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Copiste
Il recopie la pièce pour les différents comédiens.
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Afficheur
Chaque semaine, grâce aux afficheurs, les carrefours de Paris sont recouverts de petites affiches qui attirent les curieux.
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Décorateur
Maillon discret, mais indispensable, de la troupe, surtout dans les mises en scène ambitieuses, il conçoit les décors - et parfois les costumes - en fonction du manuscrit remis par l’auteur.
Bataille à l’arrivée dans le tripot, par Jean-Baptiste Oudry (1686-1755)
Les rapports de police des 17e et 18e siècles recensent de nombreux cas d’intervention pour calmer le public du parterre, où les éclats et rixes sont fréquentes et perturbent le déroulement de la pièce.
Deuxième partie
Une concurrence féroce
"Les Noces de Pelée et de Thétis"
Décor pour la mise en scène de Giaccomo Torelli (1654)
Le théâtre à machines : la vogue des grands effets visuels
Le succès de Molière et de ses comédies, à la cour comme à la ville, n’est que la pointe émergée de l’iceberg et ne doit pas occulter la vie théâtrale foisonnante de la capitale : au Palais-royal comme dans les salles concurrentes on se presse, chaque jour ou presque, pour découvrir ou revoir les pièces à l’affiche… Les pièces dites “à machines” se multiplient dans les années 1660 et sont furieusement à la mode avec des mises en scène qui laissent le public bouche bée, à base de flots déchaînés, de nuages et de dieux suspendus dans les airs, de forêts qui cèdent tout à coup la place à un palais antique… Entre salles rivales, c’est l’escalade : toujours plus de splendeurs, d’effets spéciaux, de musique et de danse ! De vrais studios de cinéma avant l’heure, où les secrets de fabrication et de trucages sont jalousement gardés.
Gravures du décor foisonnant du "Ballet de la délivrance de Renaud" dansé en 1617 par un Louis XIII âgé de 16 ans
Les machines et décors sont actionnés et déplacés depuis les coulisses et, parfois, le fond de scène.
Des machines grandioses
Saviez-vous que les coulisses s'appellent ainsi car on y faisait... coulisser les décors ? Une pratique héritée du 17e siècle : à l'époque de Molière, les changements de décors à vue et les machines éblouissent et impressionnent le public parisien. Comment fonctionnaient tout cet arsenal ingénieux ? Révélations avec Antoine Fontaine, peintre décorateur.
Déidamie dans le jardin de la cour royale de Scyros, scène 5 acte III, Finta Pazza, Giacomo Torelli (1608-1678), Nicolas Cochin (1610-1686), 1645 © Archives Nationales (France)
Dessin de Jean Berain représentant probablement la Gloire de Vénus pour le prologue de "Psyché", sur un livret de Thomas Corneille et une musique de Jean-Baptiste Lully, lors d'une reprise de cette tragédie en musique. © Archives Nationales (France)
Décor de Giacomo Torelli pour la "Finta Pazza". Comédie italienne représentée à Paris le 14 décembre 1645 © Archives Nationales (France)
Dessin de Jean Berain représentant un jardin en terrasse avec un palais en arrière-plan. © Archives Nationales (France)
Dessin de décor de théâtre représentant un paysage, probalement de l'Italie du nord.Extrait du recueil des Menus Plaisirs du roi. © Archives Nationales (France)
Giacomo Torelli
1608-1678
Carlo Vigarani, l'ingénieur du roi, n’est pas le seul machiniste fameux du 17e siècle ! Un de ses compatriotes révolutionna l’art de la mise en scène et triompha à Paris avant lui...
« La Grande Troupe Italienne
Du Seigneur Torel assistée,
Fait voir de telles raretés
Par le moyen de la Machine,
Que de Paris, jusqu’à la Chine,
On ne peut rien voir maintenant,
Si pompeux ni si surprenant.
Des ballets au nombre de quatre,
Douze changements de Théâtre,
Des Hydres, Dragons et Démons,
Des Mers, des Forêts et des Monts,
Des décorations brillantes,
Des Musiques plus que charmantes,
De superbes habillements,
D’incroyables éloignements,
Le feu, l’éclair et le tonnerre,
L’hymen, l’amour, la paix, la guerre,
La grâce et les traits enchanteurs
Des Actrices et des Acteurs
Flattant les yeux et les oreilles
Ne sont que le quart des merveilles. »
Lettre de Jean Loret, parue en mars 1658 dans son journal La Muse historique.
Troisième partie
Des musiciens sur les planches
"LE SOIR"
Détail des musiciens à la tribune, sur le côté de la scène : trompette, luth, guitare et cornet
L’orchestre de Molière
Le fameux Registre de La Grange, comédien et bras droit de Molière, qui tient les comptes de la troupe, prouve que les ornements musicaux et dansés n'étaient pas réservés au roi et que le public parisien du Palais-Royal en bénéficiait tout autant. Les musiciens font pleinement partie du personnel de la troupe de Molière ! Le Registre atteste, dès Pâques 1660, la présence de violons au sein de la troupe. La Troupe du roi engage un petit ensemble à cordes pour la saison 1663-1664. Puis, pendant la pause du Carême de 1664, la troupe achète son propre clavecin. La troupe ne lésina pas sur les dépenses pour les costumes des danseurs, pour le clavecin, les hautbois et les violons, mais aussi les chanteurs, le chorégraphe et le compositeur.
Les musiciens des troupes parisiennes
Quels instrumentistes se produisent sur les planches aux côtés des comédiens et qui sont-ils ? Rencontre avec le musicologue Matthieu Franchin, spécialiste de la musique de théâtre au 17e siècle.
Une comédie strictement parlée telle que L’Ecole des femmes, l’un des grands succès de Molière, présente des entractes en musique qui requièrent la participation des quatre violons que vient d’engager la troupe en 1662.
« Andromède » de Corneille
Musique, danse, théâtre : les artistes du 17e siècle sont profondément polyvalents !
Couvrir le raffut des poulies
Dans les pièces à machine, la musique a une fonction indispensable… et diablement pragmatique : couvrir le raffut des poulies, cordages et autres éléments qu’il faut actionner dans l'ombre, en coulisses, pour produire les machines les plus éblouissantes devant les yeux du public ! L’un des avantages de la musique est dès lors de préserver l’illusion théâtrale. C’est ce qu’explique Pierre Corneille dans l’argument de son Andromède...
Musiciens sur des tréteaux de théâtre
“Les violons sont ordinairement au nombre de six, et on les choisit des plus capables. Ci- devant on les plaçait ou derrière le théâtre, ou sur les ailes, ou dans un retranchement entre le théâtre et le parterre, comme en une forme de parquet. [...] Il est bon qu'ils sachent par cœur les deux derniers vers de l'acte, pour reprendre promptement la symphonie, sans attendre que l'on leur crie : « Jouez !» — ce qui arrive souvent.”
Le Théâtre français (1674)
Il était une fois la Comédie-Française
Sept ans après la mort de son comédien fétiche, Louis XIV décide de créer une seule et unique troupe de théâtre à Paris : la Comédie-Française. Agathe Sanjuan, conservatrice des archives de l’institution parisienne revient sur la décision royale et ses conséquences.